C'était un 7 janvier
Gaëtan devait venir vers 11H30 et je ne suis pas content car il annule un peu avant, me disant être à la bourre, son chat est malade, il est allé chez le vétérinaire. J’avais prévu de lui montrer le plateau, la régie, les coulisses et on aurait échangé sur nos métiers, nous faisons le même, nous travaillons pour une émission de télé sur une chaîne parfois cryptée, au cœur des réseaux sociaux, un pied dans la régie, un pied dans la rédac’, une main sur le web, une autre sur le smartphone.
Gaëtan m’agace mais je me dis que je vais en profiter pour sortir acheter des mandarines et j’en profite également pour téléphoner à mon éditeur, à qui je raconte l’avancée de mon livre et je lui promets de lui envoyer un mail dès que je serai sorti du magasin, dès que j’aurai bu mon café, dès que j’aurai mangé une mandarine, dans 10 minutes, quoi.
Je reviens, je m’assois devant mon Mac et je pose mes mandarines sur le bureau, j’entends Sylvain à ma droite mentionner Charlie Hebdo mais je ne fais pas attention, je rédige mon mail, du moins je commence à écrire les premiers mots. Soudain, j’entends Sylvain mettre le son du haut-parleur et (mais la chronologie des évènements alors se bouscule et peut-être que c’est après, peut-être que c’est avant, peut-être que j’ai inventé cette scène parce que je ne veux pas l’avoir vécue pour de vrai, oui faisons comme si de rien n’était, comme si cette semaine-là n’avait jamais eu lieu) et j’entends
Des hurlements
Des pleurs
Un homme déchiré qui crie des mots que je ne comprends pas
Un homme sur place qui veut aider ses amis et ne peut rien faire
Et ces pleurs me glacent, je suis parcouru d’un frisson d’angoisse et je comprends que quelque chose de terrible vient de se passer mais je ne sais pas quoi alors j’allume Twitter et je cherche.
Les premiers tweets sont vagues, les suivants plus précis.
Antenne dans 19 minutes.