Un moment de grâce et un moment authentique, cette semaine, en cours, alors qu’un étudiant balbutie : “Je pense que je ne connaîtrai jamais l’Amour”. J’ai trouvé ça touchant, courageux et si faux à la fois que j’ai dû répondre avec tact pour lui dire ce que j’en pensais.
Je ne rentrerai pas dans les détails (je suis sûr qu’il le trouvera, l’Amour) mais j’ai insisté sur un point, dans ma réponse, qui me semble important : nos biais cognitifs et l’importance de les reconnaître. J’ai, pour ma part, toujours voulu sortir avec des garçons plus grands que moi. Je mesure 1m79. C’était comme ça, je ne donnais pas leur chance à des gars plus petits.
Jusqu’au jour où j’ai compris le besoin derrière mon envie : je voulais être rassuré. Et, hélas, ce n’était pas une question de centimètre pour y arriver mais de travail sur soi. Mes partenaires suivants ont mesuré ma taille ou moins que moi et je m’en fiche désormais éperdument.
Je ne peux être rassuré que par moi (hélas). J’avais une amie, à la fac, qui ne recherchait que des mecs “destroys” comme on disait dans les années 90. Il lui fallait du cassos sévère et elle n’avait aucun mal à trouver le pire type possible dans un périmètre donné autour d’elle. Elle a tout connu : les squats, les livraisons de drogue avec lui, le parloir pour lui, l’attendre à la sortie, voler une voiture avec lui pour partir en vacances en Espagne (as you do) et se faire tabasser sévère parce qu’il est jaloux, sur la plage, vu qu’elle est sublime et lui non et que tous les mecs la regardent et lui faisait salement pitié. Elle l’a lâchée une énième fois quand il est reparti en taule.
Mais ce n’était pas fini. Tentative de suicide. Appel à l’aide. Elle est tombée amoureuse de son psychiatre aux Urgences où je la conduisais pour la première fois, après son appel au secours et j’ai compris que c’était un cas un peu désespéré…
Jusqu’à la reprise de contact sur LinkedIn, l’été dernier, et les photos échangées : mari Helvète, enfants, chalet en Suisse, poste de consultante, tout va très bien, madame la Marquise. Et cette phrase, au détour d’un long échange : “J’avais été tellement salie, tellement abîmée par mon grand-père que je pensais ne mériter que ça et je cherchais à être punie encore et encore. Jusqu’au jour où mon premier enfant est né. Et j’ai eu envie, en un instant, de me récompenser d’avoir connu cette joie et d’avoir survécu…”
On finit tous par trouver un moment de répit, un jour. Et ceux qui n’y arrivent pas finissent chroniqueurs dans TPMP.
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Mon prochain livre, un portrait de femme, sortira donc à la rentrée en Septembre chez un gros éditeur et je suis ravi. Beaucoup de travail, beaucoup d’heures devant l’écran et un texte que je trouve puissant.
Comment on fait pour écrire douze livres, une question que j’entends de temps en temps. Oh, c’est très simple : on n’a pas d’enfant à nourrir ou à changer, on n’a pas d’obligations familiales et on peut écrire quand ça nous chante, comme ça nous chante, quand ça vient. Ou pas. Mais, pour ma part, j’ai compris que si j’écrivais inspiré, le matin, tôt, ça faisait partie de ma routine créative et qu’il fallait faire avec. Je ne peux pas me forcer à 15h, alors que je n’ai pas envie, que je suis fatigué et qu’il fait beau dehors. C’est ainsi. Une routine permet de produire. Des livres, du muscle ou des patisseries complexes à la chaîne.
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Quelques séries dévorées en ce moment :
The Last Of Us, dont tout le monde parle et tout le monde a bien raison. Une sorte de Walking Dead adapté d’un jeu vidéo bien fichu, émouvant, touchant, parfois effrayant mais très réussi. On a beau avoir vu mille fois ces paysages post-apocalyptiques Américains, ça marche encore.
La Fabuleuse Mrs Maisel, dont Amazon vient d’annoncer la Saison 5 qui sera la dernière. Si vous n’avez jamais commencé ce petit chef d’oeuvre d’humour juif new-yorkais de la fin des années 50, vous avez bien de la chance, vous allez tomber sur une galerie de personnages tous plus timbrés et drôles les uns que les autres. J’adore Susie, pour ma part…
The Lazarus Project : bof, bof, pas tenu plus de trois épisodes à un concept pourtant fort prometteur de voyage dans le temps + jour de la Marmotte mais qui ne tient pas la route tellement les incohérences sont nombreuses et ces “plot holes” comme on dit en anglais font mal aux yeux.
Nous finissons lentement The Crown, le genre de série que j’aime faire durer sous la langue, mais qui hélas n’a plus la saveur des premières saisons, faisant vibrer le proverbe “Au pays des aveugles…” : quand on a connu ado les années 80 et qu’on lisait Paris Match, Voici et toute la presse un peu people, on sait qu’il y aurait eu de quoi raconter une histoire bien plus palpitante. Et, surtout, je trouve que les dernières incarnations des couples royaux sont ratés : je n’arrive pas à croire en la Reine et son mari. Charles est trop beau et Diana trop grande. Je me pose souvent la question : c’est qui elle, déjà ? Sa soeur ? Sa fille ? Quand on n’arrive plus à retrouver ses petits dans une série aussi linéaire c’est qu’effectivement il est temps de conclure. Le frisson du générique est toujours présent, à chaque épisode.
J’ai vu Babylon au cinéma, le genre de films qui dure plus de trois heures, qui est à la fois chic et vulgaire, trop court et trop long, bête et brillant et auquel on repense longtemps après la séance. Qu’on aime ou qu’on méprise Chazelle (un copiste doué, La La Land, quelle très jolie arnaque, tout de même) il faut lui reconnaître un certain talent pour refaire en différent ce qu’on a déjà vu en mieux trente ans plus tôt dans Good Morning Babilonia des frères Taviani.
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Je sature un tout petit peu beaucoup de l’actualité autour de l’Ukraine et les spéciales dans les hebdos, les quotidiens, les mensuels ont fini de me convaincre qu’il est temps de résilier mon abonnement à Cafeyn car je suis surinformé de nouvelles et de mauvaises infos dont je ne peux rien faire.
Comme on ne se refait pas, je suis compulsivement revenu aux blogs des années 2020, aka les newsletters, que je reçois de trop dans ma boite mail et que j’ai peur de rater sans avoir le temps de les lire toutes. J’ai beau savoir que je ne devrais pas, je ne tiens jamais mes résolutions et je m’abonne chaque jour à une nouvelle qui, j’en suis sûr, m’apportera plus de réponses et d’apaisement que les cent autres.
Mais, dans le fond, j’aime lire la vie des autres. Surtout quand ça ne va pas (les inconnus, pas les proches) pour apprendre comment ils ont fait pour remonter la pente. Pour mes proches, très égoïstement, j’aimerais que tout le monde aille bien, vive vieux et meure après moi, merci.
Au passage, je vais avoir cinquante ans dans 3 mois.
Voilà, voilà.
Je vous laisse avec Julio (et surtout son parolier français) qui formule bien mieux que moi mes angoisses sur la question :
Je vous embrasse,
William
Comment ça va, vous ?
😅😘🤩