Bon, je vais entrer dans le vif du sujet : j’ai failli mourir, à quelques heures près, la semaine dernière. Ça arrive à plein de gens bien tous les jours mais je n’avais pas prévu ça pour tout de suite. Je vous préviens, si vous êtes allergiques aux urgences, aux opérations, aux hôpitaux, ne lisez pas la suite. Ça finit bien (enfin, j’espère) mais ça commence mal. Vous êtes prévenus.
Une phrase que j’aime beaucoup, signée Christophe Comte, en intro de ce texte : “Confidence ne signifie pas nécessairement impudeur car les blessures guérissent mieux à l’air libre, à travers ces armistices qui succèdent aux guerres auto-déclarées”.
Après avoir passé quatre jours à me tenir le ventre, après avoir eu des nausées plusieurs fois, après avoir essayé toutes les positions du monde pour dormir, j’ai commencé à vomir un truc couleur caramel qui ne me semblait vraiment pas catholique. Il était 2H du matin et j’avais deux options : faire l’autruche ou assumer que je devais aller aux urgences. Une heure après, l’interne me perfusait pour calmer un peu ma douleur et m’envoyait passer un scanner. Le diagnostic n’était pas très joli : grosse gangrène de la vésicule biliaire, à opérer en urgence, merci, sinon risque fort d’implosion interne des autres organes, en gros, mais lentement et dans la douleur, les uns après les autres. Je ne suis pas doué en maths mais : gangrène + organe = on se bouge, vite.
Là, ça faisait douze heures que j’avais mal. Je pensais que ça allait bientôt finir, mais j’étais naïf. À 9H du matin, le bloc veut me prendre. Je respire, le petit infirmier qui s’occupe de moi aussi. Sauf qu’à 11h30, on me dit qu’il faut me changer d’hôpital car zéro chambre de libre. Ils commandent un véhicule, qui arrive deux heures après.
Je vous jure que trente minutes de route avec les douleurs d’une vésicule biliaire (paraît-il les pires pour un être humain) en ressentant chaque caillou sur la chaussée, c’est pas Palace. On arrive à 14h. On me dit : vous passez au bloc dans 2h. Mon compagnon commence enfin à respirer, moi j’ai toujours mal et - petit délice, petit supplice - je suis à jeun depuis 6h du matin (normal) mais je crève de soif.
Je dois me raser seul pubis et torse alors que je ne tiens pas debout (passons), je suis dans la seule chambre du service avec une douche (génial) mais accompagné d’un vrai senior dans le lit d’à-côté qui réclame déjà de l’aide à chaque fois que je le regarde, alors que j’ai un léger souci moi-même. Ce dont il se fiche.
On me descend au bloc à 16h. Arrivé sur mon lit, j’entends : "Bon la vésicule, on fait passer deux petits trucs avant, vous pouvez le renvoyer dans sa chambre et si on le fait pas ce soir, on le fera demain”.
Je ne peux pas écrire ici dans les détails (pour le moment) ce qu’il s’est passé mais j’ai supplié pour rester et j’ai commencé à raconter ma vie à la surveillante Chef. Je sentais - je savais - que si je remontais, je n’allais pas passer la nuit. Vers 19h30, j’en étais à 30 heures de douleur, j’ai échangé avec le chirurgien qui a compris que j’avais très très mal et que personne, personne ne m’avait filé d’antalgique depuis 3h30 que j’étais là. Dix minutes après, j’étais perfusé au Fentanyl, une drogue qui fait du bien dedans et vingt minutes après, j’étais sur la table d’opération où, avant de m’endormir, j’ai entendu quelqu’un dire : “Et ben dis donc, il était temps, pour la vésicule, tu as lu les résultats du Scan…”
Je me suis réveillé, je n’avais plus mal.
Le pire restait à venir et j’oserai un jour le raconter. Mais pas ce soir. Si je vous en parle là, je vais pleurer. Je n’ai pas la force.
Je me croyais tiré d’affaire et je suis sorti cinq jours après. Tout ce qu’on dit sur l’abnégation des soignants est vrai. Mais tout ce que j’ai pu écrire sur la maltraitance banale, la médiocrité ou l’incompétence crasse et le manque d’humanité dans mes livres est toujours tout aussi vrai. J’ai vu, mes visiteurs ont vu des choses qui ne sont pas dignes d’un service hospitalier en 2024.
Là-aussi, je raconterai un jour.
J’ai dû repartir aux urgences de Cochin mardi soir car j’avais vomi après un repas et j’ai eu peur de m’être “éventré”. Nouvelle nuit à passer des scanners, nouvelle nuit d’angoisse pour mon compagnon, nouvelle nuit dans un autre hôpital, et puis retour 14h plus tard à la maison, indemne.
Je n’ai pas, pour une fois, possibilité de rentrer dans les détails mais j’aimerais vous livrer quelques pensées :
Quand je me suis vu mourir, je me suis dit “Merde, tu n’as pas encore tout vécu avec XXXX, ce n’est pas juste”
On peut avoir mal et encore plus mal et encore encore plus mal et rien ne vous calme. Si ça ne passe pas tout seul, ne faîtes pas comme l’idiot que je suis et allez aux urgences.
Il y a des amies qui ont traversé Paris et sa très lointaine banlieue pour m’emmener le kit de survie du patient hospitalisé en urgence : serviettes, livres, déodorant et je dirais le MUST : des chaussons.
La prise en charge de la douleur a été, en post-op, phénoménale. J’ai même eu droit à mon chouchou le gaz Méopa pendant les soins du Redon (j’avais un tuyau planté dans le ventre pour que le sang s’écoule) et j’ai halluciné parce que c’était la dose du dentiste x20. Défoncé pendant 50 minutes après.
Chaque message, chaque SMS, chaque petit like sur une photo Instagram m’a sauvé la vie car j’oubliais où j’étais et ma douleur. Je ne savais pas que les marques de soutien étaient aussi importantes quand on est hospitalisé. Mea culpa.
On peut vivre très bien sans vésicule biliaire.
C’était ma première intervention de ce côté-ci de la barrière : j’ai trouvé extrêmement désagréable de “tout voir” et surtout, probablement, de retrouver chez les autres quelques uns de mes propres comportements pas top du passé. Je ne suis pas un saint. Mais j’ai des limites, tout de même. Certaines, toujours pas. Mais comme on a besoin d’elles…
L’amour est la seule chose qui compte, “à la fin, l’amour que vous donnez est aussi important que l’amour reçu”. Je le crois. Si vous lisez ces lignes et que vous avez oublié de dire à l’autre que vous l’aimez, faîtes-le. Moi, j’ai bien failli ne plus jamais pouvoir le dire. Je t’aime.
Je suis plus évasif que d’habitude, c’est normal. Un jour, vous saurez la vérité.
Mais ce soir, pardonnez-moi, j’ai besoin d’un peu de repos.
Amitiés ET SURTOUT LA SANTÉ !
William
Prenez soin de vous, William. Bonne convalescence.
Bonsoir William
J’avais deja failli t’écrire sur le post d’avant parce que oui, il n’y a rien de plus douloureux que des calculs dans la vésicule biliaire si ce n’est d’autres calculs dans les reins.
Je compatissais, d’autant plus maintenant que tu nous racontes les conditions de ton opération en sous-entendant que tu ne nous as pas raconté le pire.
Je suis contente de te lire aujourd’hui contente de te retrouver parmi nous sans savoir qu’on avait failli te perdre.
Ce n’est pas le meme amour, celui de tes lecteurs, mais on t’aime nous aussi a notre façon et tes newsletters accompagnent nos vies.