Je veux bien vendre mon travail mais je ne veux pas vendre ma vie : les petits secrets de Christie
Conseils pour trouver sa Raison d'Être 🌀 : portrait d'un humain qui a trouvé son Ikigaï, son équilibre, son bonheur
Interviewer Christie Vanbremeersch, c’est l’assurance de repartir plus ému, plus sûr de soi et plus confiant pour le reste de sa semaine. Interviewer Christie, c’est la certitude d’aller boire son eau à la source de la Raison d’être, tellement l’auteur de Trouver son Ikigaï donne son éclairage, ses convictions et un peu de son amour pour vous faire avancer dans la bonne direction : la vôtre. Enfin, interviewer Christie, c’est l’occasion de rigoler un bon nombre de fois en très peu de temps et ça, ce n’est jamais perdu.
Christie est un délicieux mystère, un merveilleux livre ouvert à la bonne page, une manière de bien commencer ou conclure une journée. Abonnez-vous à sa newsletter, tiens.
Bonne lecture. Vous avez de la chance, vous allez pouvoir découvrir cette interview. Moi, je l’ai entendue de sa bouche même et je me concentrais pour ne rien rater.
- Christie, comment t’es tu intéressée au concept de l’ikigaï ? Quel a été ton déclic ?
Je suis catholique et je vais à la messe depuis ma naissance. J’ai été très marquée, depuis l’âge de 5, 6 ans, par une parabole de Jésus qui dit : “Qu’as-tu fait de ton talent ?” . Moi, j’entends ça, j’ai 6 ans, et cette phrase est comme une flèche décochée dans mon coeur. J’y reviens régulièrement, elle m’obsède, je n’ai pas la réponse. Je suis « douée » d’une nature obsessionnelle : quand je n’ai pas la réponse à un problème, je suis incapable de le lâcher (ou plutôt c'est lui qui ne me lâche pas), je tourne autour tant que je n’ai pas trouvé un bout de réponse qui me satisfasse, j’y pense la nuit, j’y pense tout le temps. Surtout quand ma réponse à « qu’as-tu fait de ton talent ?» est « rien, pas grand chose, pas assez » : je me sens super mal.
Ma prise de conscience suivante est plus tardive, quand j’ai démissionné deux fois de suite de boulots salariés (notamment, suite à la lecture d’un livre de Marie Desplechins qui s’appelle “Sans moi” (titre qui a inspiré aussi celui de mon blog, Maviesansmoi). Dans ce livre il y a eu cette phrase déclic : “Je veux bien vendre mon travail mais je ne veux pas vendre ma vie”.
Vers cette même époque, mon père est venu me chercher au bureau pour déjeuner, il a vu que ça n’allait pas trop, que je ne me sentais pas heureuse ni valorisée, ni contributrice dans ce travail ; et il m’a dit : “Ne te laisse imposer que la pression que tu décides de recevoir”. Je venais de me marier, j’avais pris le nom de Nicolas et j’avais honte de de signer de mon nom, de notre nom, en bas des mails de marketing direct que j’envoyais ; je voulais avoir un boulot où je pouvais être fière de signer de mon nom.
J’ai entendu parler de l’IKIGAI par le biais de l’île dOkinawa où les gens vieillissent longtemps et en bonne santé. J’avais 37 ans. Ma grand-mère paternelle est morte à 93 ans après des années très douloureuses, dans son corps, et au moins 10 ans très diminuée dans sa vitalité : je voulais terminer ma vie en meilleure forme ; mourir en ayant des projets, en étant, à ma mesure, au service de ma communauté familiale et locale. Ma grand-mère maternelle, dont j’étais moins proche, est morte à 88 ans, elle faisait toujours partie de l’équipe couture de sa paroisse, réparant des vêtements pour les donner en bon état à des personnes qui en avaient besoin. Et elle marchait une heure par jour. Cette fin de vie ressemble déjà plus à ce que j’imagine pour moi.
L’image d’Épinal d’Okiwana décrit une toute dernière partie de vie qui m’a attirée. Des vieux actifs qui jardinent, qui se marrent avec leurs potes de toujours, qui font l’amour, qui s’occupent de leurs petits-enfants, qui circulent à vélo. Des seniors qui participent toujours à la vie de la communauté et qui ne sont pas relégués, invisibilisés. D’ailleurs, la légende dit qu’en dialecte okinawais, le mot « retraite » n’existe pas.
Nous avons déménagé à Malakoff – la ville de ma grand-mère paternelle, ah ah ! Et c'est marrant parce que, depuis que nous y habitons, j’ai l’impression de vivre dans une Blue Zone. Tu connais les Blue Zones ? C’est 5 endroits dans le monde où on a identifié une concentration exceptionnelle de centenaires en bonne santé... ce que j’ai décidé de devenir.
- C’est lié à quoi, cette longévité ?
D’après les études, elle est liée à des facteurs communs que sont la présence du soleil, de la mer, à la vie très près de la nature, à une parité plus importante entre les hommes et les femmes, une vie communautaire forte souvent liée à une religion commune ce qui fait que les gens se réunissent régulièrement et trouvent plein de prétextes naturels pour être ensemble. Ils pratiquent également beaucoup d’activités “modérées” tout au long de la vie : jardinage, vélo, marche. Et enfin, au niveau nutritionnel, ils ont un régime sain. Sain, ça veut dire que tu manges un tout petit peu en dessous de ta faim, des aliments à base de plantes et de trucs que tu fais pousser non loin de chez toi.
Bon ben, à Malakoff, nous avons un jardin, je me déplace à vélo, j’ai « hérité » de la communauté catholique de la ville qui est extraordinaire et avec qui j’ai de nombreux projets… Notre maire est une femme, notre députée est une femme, donc oui, les femmes ont leur mot à dire. Ça manque un peu de soleil et de mer, mais on y travaille !
- Comment tu l’expliques avec tes mots à toi, l’Ikigaï ?
Ma définition, c'est « ce qui me donne envie de me lever chaque matin ». Et donc, il y a des constantes, et il y a des variants. J’ai un carnet et un stylo sur ma table de nuit, et chaque soir, avant de plonger dans mon bouquin puis dans le sommeil, je me pose la question, par écrit, dans ce carnet, ce qui va me faire plaisir le lendemain. Je dois trouver ce qui va m’aider demain à me lever et tant que je n’ai pas trouvé, pas de bouquin, pas dodo. Et comme j’aime lire et dormir : je cherche, et je trouve. Et le lendemain, je me réveille heureuse car je sais qu’un truc chouette va arriver. Si rien de chouette n’est prévu je trouve quelque chose qui va m’illuminer.
- Oh wow. Mais tu as avalé vachement de théorie avant, non ? Pour pratiquer aussi simplement...
Ah oui c'est vrai, je lis énormément ! Et je n’ai jamais pas l’intention d’arrêter de lire ni d’apprendre. Apprendre, comprendre, progresser c'est l’un de mes « Work in progress ». Le conseil que m’a donné mon père quand j'avais 18 ans c’était : “Promets-moi que tu ne t’arrêteras jamais de lire des bouquins de développement personnel”... Je l’ai écouté. C'est le deuxième meilleur conseil qu’il m’a donné – le premier étant : “Cultive les amours de la vie…”
Bref, à force de lire des livres de développement personnel, je me suis mise à écrire ce que moi j’appelle des « livres compagnons » - des livres qui vous accompagnent et qui donnent envie de passer à l’action.
- Quand je vois ces centaines de bouquins de développement personnel dans les rayons de la Fnac, cette dictature du bonheur à 20 euros pièce, ça ne te fait pas peur, cette injonction ? Comme si on DEVAIT être heureux là, maintenant, tout de suite...
Je ne le prends pas du tout comme ça. Et tous ces livres ne se valent pas et ils ne racontent pas tous la même chose. Le tri se fait naturellement, en tout cas pour moi, « Est-ce que le sujet répond à l’une des questions que je me pose de manière brûlante, est-ce que le style de l’auteur me donne envie de dépenser 13, 18, 30 euros ? Et du temps ? Et de lui accorder ma confiance ? » ça, on peut s’en apercevoir en lisant un paragraphe !
Et puis, je ne me sens pas sous le coup d’une injonction à être heureuse. Mais je viens de deux familles où il y a beaucoup d’épisodes dépressifs, des suicides, des conduites destructrices, tu sais, comme ces suicides lents que sont les addictions à la clope, à l'alcool, aux médocs.
Ma décision d’être heureuse est avant tout une tactique de survie ; l’injonction me semble venir de l’intérieur, et peut-être que je m’illusionne sur ma liberté et que c'est un conditionnement… Écoute, je m’en fous d’où ça vient ! Ça me va d'être heureuse.
Donc oui, la plupart des livres de développement personnel ne sont pas pour moi et tant mieux car j’en achète déjà un sacré paquet, et tous ne sont pas des chefs d’œuvre.
Mais, une fois tous les deux, trois ans, je « tombe » sur un livre bon pour moi, et alors là, BINGO.
Je peux te dire que celui-là, je le lis, « je le fais » c'est-à-dire que je suis toutes ses propositions, je le relis, et je l'offre à tous mes copains. Le dernier livre compagnon que j’ai lu et « marché » de cette manière, c'est “The Art Of Noticing” , de Rob Walker. Trouver un livre qui va m'éclairer et me transformer, ce n'est pas tous les jours que j’en trouve – et heureusement, car ça demande du temps à vivre, à assimiler, à transformer, à partager, un tel livre.
Je lis énormément de livres, mais je n'en ai pas croisé tant que ça qui ont une conséquence réelle sur la manière dont je fonctionne. Ce que je lis vraiment, ce qui me nourrit, je le “fais mien” presqu’immédiatement, je te dis, au bout d’un paragraphe je sais, je suis à la maison, oui un tel livre c'est comme une maison. Et ça dépasse la simple lecture, c'est ma vie que je transforme ou colore très fortement, par l’action que propose l’auteur dans ce livre. Qui m’accompagne, donc, pour tout le reste de ma vie.
- Il y a tout de même une quantité énorme de très mauvais livres qui sont écrits pour de très mauvaises raisons dont l'argent ?
Je ne sais pas s'ils sont si mauvais : certaines personnes les lisent et en sont contents et ça a l’air de les aider ! Je pense qu’il y a beaucoup de lecteurs qui ont une sensibilité différente, j’écris moi aussi des livres compagnons et je me rends bien compte que mes livres ne sont pas pour tout le monde, certains les adorent, d’autres les détestent, c'est parfait ainsi. Je repense souvent à cette phrase de Christophe André : “Le développement personnel c'est super utile, pris dans un ensemble d’actions pour aller bien. » Je suis pour ma part en double thérapie. J'ai une thérapeute, ma psy, et j'ai également un superviseur de groupe, pour parler de boulot. Les bouquins que je lis sont un élément de ma vie, ils s’ajoutent et viennent nourrir très fort mon travail personnel et celui que je fais avec des thérapeutes.
- L'attaque qu'on m'a fait le plus souvent depuis 15 ans que j'écris en ligne c'est “Mais arrête de t'écouter, arrête de te plaindre, arrête de te poser des questions, arrête de te regarder le nombril et intéresse-toi à autrui..”. Comme si je ne m'intéressais pas à autrui en me posant des questions sur moi et comme si je ne cherchais pas à améliorer ma relation à autrui en cherchant à améliorer ma relation avec moi-même et mon amour-propre. Ces gens-là arrivent à créer un doute en moi. Du coup, quand je t'entends, ça me rassure. Il faut accepter le fait d'être en travail permanent sur soi toute une vie ? Ça me rend triste et heureux de te voir si entière, je ne me l’explique pas.
Ma conviction, c'est que j'ai fait moins de conneries avec mes enfants et que j'ai été une meilleure amoureuse pour Nicolas, parce que je suis en thérapie et que je suis en recherche permanente de réponses et que je me pose les bonnes questions. Ma grand-mère me disait que je m'écoutais trop, bon. Les personnes qui lisent mon blog, elles, ça les accompagne, toutes ces questions que je me pose. La règle induite, sur mon blog c'est que personne ne t'oblige à me lire si tu n'es pas content, si quelque chose ne te plaît pas, tu n'es pas obligée de me le dire, tu peux aller lire ailleurs : il existe des millions de pages sur internet sûrement plus intéressantes ou en tout cas plus adaptées à ce que tu cherches... Je n’accepte pas de critique de la part d’inconnus, je refuse tout avis tranchant sur qui je suis. Moi, je ne fais pas de prisonniers : tu es avec moi ou tu es contre moi (rires) et le reste ne m'intéresse pas. Je n'ai pas d'états d'âme. J'écoute certaines personnes, et même beaucoup, beaucoup de monde, mais je ne laisse pas rentrer n'importe qui dans mon enclos. C’est pareil pour les livres, “je fais bien attention à qui je prête mon attention”, à qui je fréquente. Néanmoins une fois qu'on est rentré dans mon enclos, ça peut durer longtemps – et même, toute la vie.
- Du coup tu as fait un sérieux travail d'écrémage pour n’être entourée que de bonnes personnes ?
Oui ; mais je suis en train de réfléchir à faire un peu machine arrière, enfin, à changer d’attitude ; je me demande si je ne m’enferme pas trop parfois dans ma bulle cognitive, amicale. Oui, je crois que mon prochain travail va être de m’ouvrir à la contradiction.
Mais bon, mon travail quotidien, tu sais, mon Ikigaï, c’est de trouver des livres, des graines, des outils, des propositions qui donnent envie de vivre, de les expérimenter, de les méditer, puis de les partager à ceux qui le veulent, assaisonnés à la petite sauce magique Christie. C'est ça, mon boulot.
- Tu serais pas un peu comme cette cathédrale de Gaudi, à Barcelone, toujours en travaux ?
Pas aussi grande, tout de même (rires).
- Ta vision de l’Ikigaï a évolué depuis que tu as écrit ton livre ?
Oui, j'ai l’impression d’avoir vraiment trouvé ou, du moins, formalisé ma raison d'être 🌀 en écrivant ce livre. Partager mes trésors, par l’écriture et la parole, en formation. De manière parfois payante, parfois gratuite.
- Pour ma part, j’ai parfois peur de me fourvoyer totalement quand j’accepte certains jobs. C'est ma faute. Je n'assume pas ma raison d'être, je n'assume pas mon talent, je n'assume pas ma puissance, je n'assume pas la générosité de l'univers quand je suis pile au bon moment là où je suis censé être. Mais non, je reste à vouloir de la sécurité avant tout, les tickets restaurant, le CDI, quel que soit le prix moral, pour ensuite me rebeller contre précisément ce que j'ai demandé parce que je n'ai pas tout le reste, le plus important, ma Raison d’Être 🌀 profonde (...). Martin Serralta, dans sa formation, dit que la raison d'être, tu sais que tu la tiens car c'est celle qui te met en joie, c’est ce qui te met en mouvement. Quand on l'a trouvé, il y a un sourire immédiat qui s'affiche sur ton visage. Qu'en penses-tu ?
Je suis entièrement d'accord avec ça. Un jour, j'avais deux projets de livres en même temps, qui s’adressaient à deux éditeurs différents. J'en parle à ma coach d’alors, Chine Lanzmann. Elle me regarde et me dit « Quand tu parles du second, tu es super excitée, tu souris de toutes tes dents. Il me semble que c'est celui-là que tu dois écrire en premier, celui qui te rend joyeuse. ». Je l’ai écoutée, et j’ai bien fait.
- Tu arrives à trouver l’équilibre ?
Au pluriel. Mes équilibres. Et j'aime bien mes équilibres. Le seul truc, c'est qu’ils se remettent en cause tous les 15 jours ! Parce que les situations évoluent, un projet se termine, le marché bouge, un éditeur change de maison… Heureusement, je veille à mettre mes œufs dans plusieurs paniers. Je propose des services payants, comme mes formations ou écrire des livres publiés, et j’offre aussi beaucoup de choses gratuitement. C'est ainsi que je trouve mon équilibre et qu’il me revient quand c'est un peu plus dur, sur le front des affaires.
- Je pense que pour commencer à vivre à pleine dents, nous devons tous créer. J’ai écrit dessus mille fois. Ce n’est pas naturel ou évident pour tout le monde. Comment ça a démarré pour toi cette connexion à la créativité ?
Simplement. Un jour, j'ai acheté une broche, un chat de Cocteau, et de la même manière que je me suis fiancée à mon compagnon, je me suis fiancée à ma créativité en la symbolisant avec cette broche. C'est ma mission dans la vie : faire vivre ma créativité, la nourrir, la développer, et offrir tout ce que je peux au monde. Être fiancée à sa créativité, ça implique notamment de faire un grand ménage relationnel : yesse aux mentors, aux supers auteurs, aux personnes qui soutiennent mon travail ! Et non, à ceux qui instillent le doute, «pourquoi tu fais ça, à quoi bon, c'est nul…». Je suis très, très vigilante aujourd'hui, à qui je laisse entrer dans mon entourage. Même lorsque je choisis un médecin, j'exige que cette personne soit bienveillante avec moi. Je suis très vigilante car je vois à quel point quand je me sens attaquée ça me met à plat pour plusieurs jours, voire des semaines, voire – les cicatrices peuvent rester douloureuses pendant des années. Pour moi, il n'y a pas de deuxième alerte : je coupe les ponts dès la première vacherie. Je sais à quel point ça me mine même quand une vieille dame me sort une pique dans le bus. Mon ouverture au monde, ma sensibilité, ma créativité, sont mon trésor et c'est aussi ce qui me rend le plus vulnérable. Je protège ma créativité et ma flamme vitale comme une louve : avec ma détermination, en tournant le dos, en montrant les dents s’il le faut. C'est la contrepartie de ma tentative pour être présente et soutenante pour les membres de mon clan. Et de donner le plus que je peux, à ceux qui en ont besoin et qui le veulent.
- Comment bien démarrer sa quête vers la Raison d'Être 🌀 ?
En faisant ce que tu es en train de faire William : ressentir ce mélange de joie et de tristesse à la rencontre de gens qui ont trouvé leur propre Raison d'Être 🌀. C'est l’une des clés. Rencontrer des gens passionnés. Qui se sont trouvés. Parce que ça provoque exactement ce que tu m'as dit tout à l’heure : un sentiment douloureux mélangeant la joie et la tristesse. Une morsure. Et j'en ai eu plein des morsures, j'ai vécu ça tout comme toi, il y a quelques années, quand je rencontrais des gens qui étaient habités par leur Raison d'Être 🌀 et que je ressentais en moi ce sentiment étrange fait de tristesse et de joie, en pensant que jamais je ne connaîtrais ça à mon tour.
La personne passionnée, elle te montre ta direction. Elle te pointe ta direction. « Ah mais oui, c'est là que je veux être ». Cet eurêka, ça provoque de la joie. La tristesse vient du fait qu’aujourd'hui, tu ne vois pas du tout, du tout encore comment tu vas t’y prendre pour marcher dans cette direction ; mais ça, on s'en fiche, l'important c'est d'avoir la direction. Trouver sa raison d'être, c'est un savant mélange d'extérieur et d’intérieur, d’endogène et d’exogène. De choses qui viennent d’étrangers à ta vie, de livres lus, de rencontres et d’actes qui ne peuvent venir que de moi, de choses que je DÉCIDE pour moi.
J’ai décidé de “méditer” avec les pages du matin (j’écris tous les jours trois pages, sur un cahier, en me levant) et je recommande à chacun de trouver le rituel méditatif qui lui convient – c'est-à-dire, qu’il ou elle va pouvoir tenir dans le temps ! Qui va lui faire du bien ! Et qui va être une pierre d’ancrage pour ses journées. Bon comme rituel, j'ai la marche aussi. J'ai la cuisine. J'ai plein de rituels méditatifs. Chacun peut trouver ses propres ancrages qui vont le nourrir d'énergie, permettre d’intégrer l’extérieur à l’intérieur en se demandant “Qu'est-ce que j'en pense, au fait, moi, de ce truc ? Qu'est-ce que je vais en faire ? A quoi suis-je appelée aujourd'hui ? Quel est mon premier petit pas pour avancer vers cette direction qui brille tellement fort et qui me fait de l’œil ? ».
- Quel est le risque à ne pas démarrer cette quête ? Y a-t-il un âge limite au fait ?
Ah mais non, regarde ! Manuel De Oliveira a réalisé son premier film a 60 ans. Sœur Emmanuelle est partie au Caire à 62 ans. Bon, Raymond Radiguet a écrit “Le diable au corps” à 14 ans, je suis hyper jalouse (rire). Je pense que la seule chose qui nous appartient, c'est de nous questionner sans relâche, quelque soit l’âge et à tous les âges. La question c'est notre travail (et l’important c'est de trouver des bonnes questions, qui nous actionnent) ; la nature et le temps de la réponse, ça ne t'appartient pas, c'est la vie qui décide. En revanche, ensuite, écouter la réponse, la suivre – c'est notre job de nouveau. Un dialogue avec la vie !
- Quel est le risque à ne pas se questionner ?
Je ne sais pas. Quand j'avais 17 ans, j'avais un petit copain, Hugues, qui était très bien dans sa peau. Moi j'étais quand même assez mal dans la mienne. Je lui ai demandé : “Mais tu n'as donc pas de problèmes ??” Il me répondait que non ! Tout allait VRAIMENT bien pour lui et je me disais : “Il est quand même pas très très intéressant ce garçon” (rires) (Notre histoire n’a pas duré longtemps !). En règle générale, j’ai du mal à m’intéresser aux gens qui ne progressent pas. Une chose qui nous fait progresser, selon moi, c’est de se poser les bonnes questions. Mon mari par exemple, Nicolas, je ne sais jamais comment je vais le retrouver le soir. Entre le matin, quand il part, et le soir, quand il rentre, ben, il a changé – il a lu, il a rencontré, il a observé, il a réfléchi, il revient avec tout ça et ce n’est plus le même Nicolas, et je me régale.
Moi, le principal moyen que j'ai trouvé pour progresser, les questions que je me pose, au travers de l’écriture, des livres, et des rencontres.
- Quelles sont les erreurs à ne pas commettre quand on démarre dans cette quête sa Raison d’Être 🌀 ? Est-ce qu'il y a des erreurs assez classiques qui attendent celui qui va commencer à se poser des questions ?
La terrible erreur, c’est écouter ce qui te renforce dans ton doute, dans ton mauvais doute. Il y a 2 types de petite voix intérieures. La bonne petite voix, celle qu'on appelle l'intuition, elle te pose des questions, elle te donne des indications, et tu te dis Mais oui bien sûr, c'était ça !! Et tu es reparti sur ta bête, encouragé, plus confiant – exactement comme lorsque tu reçois le conseil d’un ami, d’un mentor, d’un bon livre, qui veulent te voir créant et au travail.
La mauvaise petite voix, c'est celle qui te distille du doute qui t’empêche d’agir : mais tu es sûr que tu veux quitter ce job ? Que tu veux lâcher ses tickets restaurants ? Et tes congés payés ? Tu es fou ? Et ta mère, elle en pense quoi ta mère ? Et cette voix va appuyer pile là où tu n'as pas besoin qu'on appuie parce que tu sais très bien que ça te fait déjà mal.
Je l'ai déjà entendue plein de fois cette petite voix qui me dit : Mais enfin, Christie, ne serais-tu pas une sous Julia Cameron ? Es-tu un tant soit peu capable de créer par toi-même ? As-tu donc toujours besoin des autres pour t'inspirer et délivrer ?
A présent, j’ai appris à leur répondre OH DIS, TA GUEULE OUI ! Et même Van Gogh s’inspirait de paysages déjà existants pour peindre des chef d’oeuvres. Fous-moi la paix, j’assume (rires). Les jours où je n'ai pas la pêche, je m'auto flagelle, oh là là, c'est vrai que je suis une sous-merde, je ne sais que pomper le travail des autres mais qu'est-ce que j'ai créé moi ? C'est peut-être bien vrai que je parle trop de Dieu et c’est vrai qu'il y a 20 ans je me disais que j'écrirais bien une saga à la Henri Troyat, un jour, une super saga et que j'en vendrais des millions.
Sauf que je ne sais pas faire ça. Pour le moment, je ne sais pas écrire une saga. Moi ce que je sais faire, c'est écrire des livres de développement personnel, et non seulement je prends beaucoup de plaisir à les concevoir mais en plus ils touchent un public large. Je ne laisse personne me dévaloriser, et même moi, j’essaie de m’encourager du mieux que je peux. Je me suis engagée auprès de ma créativité, c'est mon premier engagement. Mon boulot quotidien est de la laisser passer à travers moi, cette créativité. Elle est plus importante que tout le reste. Enfin presque. Pas que d'être la meilleure personne que je puisse être.
- Quelle est la devise que tu mettrais sur ton drapeau personnel, ton Fluctuat Nec Mergitur à toi ?
Ça dépend des jours. Aujourd'hui, j'en ai deux qui me viennent. “Va avec la force que tu as”, une phrase de Dieu à Gédéon. L'autre devise serait : “Je suis guidée et protégée…”.
- C'est parfois dur à croire tout de même. On s'attend à tellement plus de preuves !
Mais c'est pas ON ! c'est toi ! C'est JE ! Toi spécifiquement. Je reçois l'aide et la guidances et la protection que je demande et dont j'ai besoin.
- Que je demande, sorry. Ok. Oui.
Oui, que je demande. Et moi je demande constamment à être guidée. C'est pas “On”, c'est MOI et je demande des guidances très spécifiques. Quand je suis guidée par les bonne petites voix, j'écoute 100 % de ce qu’elles me disent. Même si, j’avoue, la guidance est rarement confortable et le conseil, toujours un peu hardos à suivre. Et pourtant, je sens que c'est la bonne chose à faire alors je la fais, et l’avenir me donne toujours raison (enfin, donne raison au conseil, et à moi de l’avoir suivi).
- Tu demandes conseil à qui ?
A Dieu (mais on peut l’appeler autrement en fonction de ce en quoi on croit, moi je l’appelle aussi parfois « ma Partie qui Sait tout »). Aux valeurs que j'ai choisies en début d'année. Parfois, je demande aussi conseil à l’une de mes grands-mères, les deux là, qui m’ont tellement énervée de leur vivant et tellement aimée aussi, à leur manière. On se chamaille toujours mais ça ne m’empêche pas d’écouter les conseils qu’elles me donnent. « Appelle ton père, je me fais de la bile pour lui » « Mets le foulard Hermès que tu as pris dans mes affaires après ma mort, ça sert à quoi que tu l’aies récupéré si c'est pour qu’il reste dans ton placard » « Dis à ta mère que je suis fière d’elle » « Rends toi utile ! ». Tu vois les vieilles ! Et elles ont raison, enfin, ça me fait du bien leurs rappels à l’ordre.
- Quel est le conseil que tu aimes donner ?
Je suis cernée par le suicide. Deux personnes autour de moi se sont suicidées récemment. Quand je suis allée à l'enterrement du dernier, un jeune homme, 19 ans, l'âge de ma fille, je me suis dit que le conseil de mon père était vraiment le bon. “Cultive tes amours de la vie, tes différentes raisons de vivre pour que, le jour où il y en a une qui s'échappe, il y en aura toujours une autre qui soit là”... Je ne vois pas quel meilleur conseil on pourrait donner à quelqu'un.
Je crois qu'il faut savoir être heureux seul. Beaucoup de sources de bonheur nous viennent des autres, et bien sûr qu’on en dépend. Et je fais en sorte qu'une partie importante de ce qui me rend heureuse ne dépende principalement que de moi. Mon lien à la nature, mon amour des livres, marcher, dessiner, écrire, danser… Quand mes enfants vont quitter la maison par exemple, ou quand je perdrai mon chien, ces pertes seront douloureuses – et mes passions personnelles, et ma curiosité, m’aideront à rester debout.
Le site de Christie - L’instagram de Christie - Sa super interview dans Elle
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À mardi, 13h54 !