On ne dit pas assez aux gens qu’on les aime. Moi, par exemple, je m’étais pris la tête sur Twitter avec Maurane, pour une broutille, et on se faisait vaguement la gueule, ni en froid, ni salement en bisbille mais juste on ne se calculait plus. Je me disais que ça commençait à faire un bout de temps déjà et que je devrais lui lancer un rameau d’olivier virtuel, lui tendre la main parce que j’étais le plus jeune, qu’elle était la plus fragile et qu'elle me manquait sacrément.
Et puis ils l’ont retrouvé morte chez elle.
La veille au soir, elle disait des trucs sur Twitter (elle postait beaucoup le soir et la nuit, pour combattre un peu la solitude, ses démons et tisser du lien avec des anonymes qui allaient l’aimer sans rien lui demander et vice-versa. Elle n’était pas heureuse, depuis quelques temps. Mais je ne l’avais jamais connue véritablement heureuse sauf quand elle était amoureuse et ça ne durait pas bien longtemps. Je l’avais toujours connue fragile, magique et déconcertante. Un moineau dans un corps de diva, une voix d’ange dans la peau d’une taulière, une femme blessée dans les baskets d’une femme aimée surtout quand elle était dans la lumière…)
J’avais passé du temps en studio avec elle, à Bruxelles et j’avais compris à quel point c’est fragile, un enregistrement d’album, même quand on est géniale, puissante et très bien entourée de musimagiciens.
Elle me regardait avec tendresse. Elle me taquinait. Elle me faisait un peu peur. Elle me parlait comme si j’étais un proche et puis soudain elle repartait derrière son mur à elle. Elle revenait le lendemain, comme un chat, mutine, souriante, amusée.
Il y a sept ans, aujourd’hui, je tournais cette vidéo.
Maurane, je fais le malin ce matin mais je vous vouvoyais en vrai, comme je vouvoie toujours les gens que je respecte pour leurs fragilités et leurs talents mêlés. Si vous me lisez, je vous prie de m’excuser : si j’avais su que nous ne nous reparlerions jamais, je ne vous aurais pas taquinée pour des broutilles.
J’écoute votre musique. Elle me fait pleurer et sourire en même temps. Vous êtes là, dans ma cuisine, alors que je rape des citrons verts au dessus d’un Thermomix. Ça vous ferait marrer. Nous avions un démon en commun. Je ne l’ai toujours pas battu. Il ne vous tourmente plus.
Je vous embrasse fort, fort, fort.
Il y a sept ans, pile. Bruxelles. Studio ICP.
Je vous laisse quelques temps, comme convenu, je suis un peu fatigué.
A très vite.
William
Pourquoi cette newsletter ? Qui suis-je ?
Accès aux archives :