"Les antidépresseurs ne sont pas la réponse, fais plutôt du sport !" me dit-elle.
Les amis croient parfois bien faire quand ils vous donnent des conseils.
Mon papa a été vacciné ce matin. Il a 85 ans. Je ne l’ai pas embrassé depuis presqu’un an. Je ne sais pas si ça lui manque (ce n’est pas un grand bavard) mais moi, oui. Je suis soulagé. J’ose croire que nous allons pouvoir reprendre peu à peu une vie normale d’ici la fin de l’année. Et, sinon, au pire, on captera tous la 5G.
Je vais me faire vacciner dès que possible. Je suis loin d’être prioritaire et je me demande quand viendra mon tour (après l’été, en étant optimiste ?) mais il me tarde vraiment, vraiment de :
Travailler sans masque au bureau
Marcher le nez à l’air dans les rues
Toucher les épaules et les avant-bras des gens de mon entourage (je suis très tactile)
Visiter Florence.
Je n’aurais jamais pensé que ne plus aller au musée me manquerait tant. Je n’aurais jamais imaginé avoir envie de danser jusqu’à l’épuisement, collé à une sono qui crache un son des 80’s bien honteux, un peu pompette, un peu en sueur, carrément heureux. Je n’aurais jamais cru que ne plus aller au cinéma serait un tel déchirement. Je veux revoir des châteaux. Je veux pouvoir manger à 7 à table sans arrière-pensée (j’ai du annuler ma venue à un repas d’amis car je flippais un peu, ils ont très bien compris mais je me suis senti bête et parano…). Je veux pouvoir prendre Laetitia dans mes bras comme je le souhaite et me blottir contre son énorme poitrine de maman quand j’ai un chagrin.
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Je ne sais toujours pas si cette newsletter sera un journal de bord quotidien envoyé une fois par semaine ou un texte traitant d’un seul sujet ou une toute autre forme mais je sais que j’y prends du plaisir et que ce sera peut-être les trois à la fois, selon les moments et les envies. Être doux avec soi, se faire plaisir. C’est le seul impératif.
Lundi, un technicien est passé m’installer la fibre.
Il est arrivé tout sourire, prestataire d’un prestataire d’un prestataire, un petit jeune qui aimait son métier, ça faisait plaisir à voir. Il a fait des tests…et puis ça ne marchait pas sur la télé car la box était à 10 mètres du décodeur TV. “Il vous faudrait un CPL” qu’il me dit, avant de partir, me laissant seul comme un gland ou “Achetez-vous un câble ethernet de 20 mètres, c’est moche mais ça marche que comme ça…” Je ne comprends pas, avec Orange, pourtant, ça marchait sans ! “Oui, mais ce n’est pas la même technologie…Désolé…Vous êtes comme parents, vous, la modernité, c’est pas votre truc…”
Si tu savais, mon petit.
Alors qu’il part, il avise mon bordel dans l’immense bibliothèque et me dit : “C’est pas une boite CPL, là ?”
Je regarde le truc qui prend la poussière, à côté des dizaines de câble, dans un boite. J’avais acheté ça sur Amazon il y a trois ans “au cas où” sur les conseils d’un ami, juste avant d’emménager et je le gardais “au cas où” alors qu’à 55 euros pièce, j’aurais du mille fois le revendre ou le donner. Mais je n'en avais rien fait, par flemme ou - plus probablement - parce que je n’avais pas la moindre idée de comment revendre ce truc sans me prendre la tête ni recevoir 76 mails du Bon Coin.
“Vous en avez un chez vous ! C’est génial. Pourquoi vous ne me l’avez pas dit ?”
Parce que je ne m’intéresse pas à tout ce qui pourrait me faciliter la vie, qui se branche dans un mur et qui porte un prénom de sigle, parce que j’entasse des trucs qu’on m’a un jour conseillé et que j’oublie de revendre, parce que je suis comme je suis : foudroyant quand ça veut bien, totalement inutile comme une poule devant un couteau quand j’aimerais être foudroyant. J’ai un super pouvoir qui se déclenche quand ça l’amuse.
Dix secondes après, ça marchait d’enfer, cette fibre. Marie Kondo, t’as tout faux.
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Entendu l’autre soir dans une émission (fort décriée) sur M6 “La maltraitance et les abus sexuels sont les causes principales de l’obésité”.
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Évolution des temps de trajet en train (2000-2017)
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Par où part la graisse quand on maigrit ? Par les poumons !
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Cette semaine, après avoir lu mon billet sur le burn out, j’ai reçu des dizaines de réactions positives, en privé, pour me remercier d’avoir osé témoigner, tant la honte est encore associée à cette chute professionnelle. Quand on est cadre, quand on est un homme, “on a encore moins le droit de tomber” c’est une phrase qui revenait souvent dans vos messages.
Je me souviens d’une collègue qui rentrait de Moscou à 23h et qui, dans le taxi de CDG à chez elle, répondait à ses mails. Elle embrassait ses enfants qui dormaient, continuaient à répondre à ses mails et puis elle s’endormait sur la table de la cuisine. Ses enfants la réveillait le matin, elle leur préparait le petit déjeuner, les emmenait à l’école, arrivait au bureau et enchaînait direct sur les réunions. Elle m’avait dit : “on n’a pas le temps de travailler pendant la journée de travail, on commence seulement à bosser le soir, après les réunions…”. Elle avait 30 ans. Elle a tenu trois ans. À la fin, elle buvait pour supporter toute cette pression. Le burn out est passé, l’alcoolisme s’est installé.
J’ai également reçu une minorité de messages de personnes toujours bien intentionnées mais parfois maladroites me disant que “les médicaments n’étaient pas une réponse à la souffrance” et que “seul le sport, trente minutes par jour, permet de tenir face à l’adversité…”. Entendons-nous bien, je n’ai jamais douté des bénéfices du sport, je pense que le Yoga et le Pilates permettent un meilleur vieillissement, que rentrer fourbu / en nage après 35 minutes à courir me met dans une certaine joie.
Sauf que, non, pas tout le temps. Quand ton patron te parle violemment alors que tu donnes tout et que tu n’es jamais remercié, quand tu ne fais jamais assez bien, quand on te donne des consignes vagues puis on t’engueule parce que tu as répondu au mieux mais que “tu as mal compris, une fois de plus”, quand tu bosses à 3/4 temps et qu’on te propose de passer à plein temps pour le même salaire, quand tu ne sais pas si tu auras le droit de partir en vacances tant qu’il-elle n’a pas répondu à ton mail…Ou quand le monde entier est à l’arrêt, que toutes tes perspectives disparaissent, que tu as peur de tuer tes proches âgés en les embrassant, que tu deviens parano des cons qui mettent le masque sous le nez dans le métro, quand les boulots des autres annoncent des licenciements, quand tu vois les faillites en cascade des restaurateurs, hôteliers, sous-traitants du tourisme ou de l’aéronautique, quand tu lis un peu le journal, oui, désolé, il y a de quoi avoir besoin de prendre des cachets, comme plein de gens, parce que le sport n’a pas suffit à te vider la tête. Allez donc dire aux étudiants qu’ils devraient se mettre au sport.
Il faut être un peu hors-sol pour croire que la dépression ne touchera que les autres, 20% de la population y passera une fois dans sa vie, parfois même plusieurs fois dans une seule vie, et la dépression serait le principal facteur de mortalité après l’infarctus du myocarde. Le monde entier part en vrille depuis quelques temps et on fait comme on peut. On fait comme on peut. Certains continuent à vivre comme si de rien n’était, d’autres vont courir pour chasser les nuages noirs, d’autres enfin, plus nombreux, après des semaines à lutter, à pleurer, à se resservir un petit verre de plus, se résignent à demander de l’aide à leur médecin et à tendre une ordonnance, un peu honteux, à leur pharmacien.
C’est une sensation que je ne recommande à personne mais c’est une démarche qui m’a sauvé la vie.
William
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PS : j’ai mis à jour la rubrique à-propos du site, elle résume bien le but de ce lieu.